Les jours couchés
« Nous savions que c’étaient des ruines. Nous le savions déjà, enfants. Quelque chose en nous, du moins, le savait. Mais nous préférions croire aux fantômes, c’était un choix plus raisonnable. Nous le savions quand ces paysages étaient encore les nôtres, quand ils n’étaient pas tout à fait des images, ces images qu’il suffit de regarder pour que tout nous revienne — les trajets faits chaque jour, presque les yeux fermés, parfois durant une vie entière, le mur de parpaings, le squelette d’une machine, les ciels immenses et la boue noire, le fer, la pierre, le tournant, les broussailles, puis le tronçon de route où le bitume se bombe, où dort une bête immense en cet endroit précis du monde, et de nouveau un mur,
une planque, une grille, une haie.
Cette maison croisée sur la Départementale, avait-elle été détruite ou jamais terminée ?
Était-elle une ruine ou une ébauche ?
La photographie la convoque et on s’y glisse en douce, de nouveau, et nous reviennent les jours où l’on traquait les spectres, où l’on jouait à se faire peur — on ne savait pas encore par qui la maison était hantée.«
Hélène Gaudy, Pierre Faure : les jours couchés, éditions Sur le Crête
La série « Les jours couchés » est une le produit d’une résidence avec la galerie le Carré d’Art.
Elle a fait l’objet d’un livre et d’une exposition à la galerie le Carré d’art de mars à septembre 2020.